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LINDEPENDANT.SN-Les violentes manifestations du 16 mars dernier consécutives au procès de diffamation intenté par Mame Mbaye Niang ont été marquées par une forte répression contre les militants de l’opposition. Détentions arbitraires, convocations et interpellations sont devenus monnaie courante dans le pays poussant les intellectuels et les membres de la société civile à dénoncer la violation des libertés publiques et de l’instrumentalisation de la justice 

C’est un régime qui semble être aux abois. A la suite des violentes manifestations qui ont accompagné la convocation de l’opposant Ousmane Sonko, le 16 mars dernier, l’Etat du Sénégal a décidé de sortir la matraque en multipliant les arrestations et autres détentions d’opposants notamment ceux appartenant au parti Pastef/Les Patriotes. Ainsi plusieurs responsables du parti (Kédougou, Tivaouane, Mbacké) ont été incarcérés et accusés d’appel à l’insurrection, participation à des manifestations interdites et diffusion de fausses nouvelles. El Malick Ndiaye, Secrétaire national à la communication de Pastef a été convoqué à la Sûreté urbaine.

Selon son avocat Moussa Sarr, El Malick Ndiaye est poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles. Une répression qui s’est aussi ponctuée par des rafles de centaines d’individus, suspectés d’avoir perpétré des pillages et des dégradations en lien avec les manifestations qui ont fait 3 morts. Dans la même dynamique, le tribunal de grande instance de Thiès a renvoyé au 29 mars le procès des 5 responsables de la coordination départementale de Pastef/ Les Patriotes de Tivaouane. Ces leaders de Pastef sont poursuivis pour troubles à l’ordre public et incitation à la rébellion. Ces responsables politiques sont arrêtés depuis le 15 mars puis inculpés et placés sous mandat de dépôt le 20 mars 2023. Dans le groupe on note Bineta Samb, professeur de français au lycée de Pambal, responsable départementale des femmes de Pastef.

Ces tentatives d’intimidations ont paralysé le système éducatif sénégalais avec l’entrée en matière des syndicats qui dénoncent l’incarcération de plusieurs enseignants. Des professeures membres du Cusems/A de Dame Mbodj ont observé une grève totale mardi (21 mars) dans le but de protester contre les arrestations de leurs camarades et la supposée tentative d’assassinat de leur leader suite à ses positions sur le procès de l’affaire Prodac opposant Mame Mbaye Niang à Ousmane Sonko. Au même moment, leurs collègues du Cusems de Abdoulaye Ndoye, qui ont aussi observé un débrayage mardi avant d’observer une grève totale ce mercredi. Les élèves sont aussi entrés dans la danse avec des rassemblements à Dakar ou Mbour pour fustiger l’incarcération de leurs camarades. Les organisations des droits de l’homme comme Amnesty International, LSDH et le Forum du Justiciable sont aussi montés au créneau pour dénoncer de nombreuses violations des droits de l’homme et le non-respect des libertés publiques.

Appel des intellectuels contre l’instrumentalisation de la justice Rapport du département d’état américain aux droits humains et la saisine de la ministre de l’Europe et des affaires étrangères

Les organisations ont aussi déploré l’usage de la force pour extirper Ousmane Sonko de sa voiture et le contraindre à rallier le tribunal. Le 15 mars, Ousmane Sonko a été bloqué à son domicile par un important déploiement policier, qui a également empêché d’autres personnalités de l’opposition comme Guy Marius Sagna, député d’opposition de lui rendre visite. Ces violations des libertés font aussi suite à une vague d’arrestations dans la société civile et chez les journalistes. Le militant Mohamed Samba Djim, membre du Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine (FRAPP), a été arrêté à son domicile, à Dakar, le 6 février. Il est accusé d’avoir financé des activités susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique ou de provoquer des troubles politiques, il a été placé en détention provisoire.  Le 3 mars, Pape Ndiaye, journaliste pour Walf TV, est en détention à la prison de Sébikotane après avoir déclaré que la plupart des procureurs adjoints étaient favorables à un non-lieu dans cette affaire. Le 7 mars, Pape Ndiaye a été inculpé d’ « outrage à magistrat » et de « diffusion de fausses informations », puis placé en détention provisoire. Amnesty International considère que sa détention est arbitraire et constitue une violation du droit à la liberté d’expression.  Le Forum du Justiciable de Babacar Ba a de son côté invité les jeunes à plus de responsabilité et de conscience citoyenne en évitant de tomber dans la manipulation. Plus d’une centaine de professeurs d’universités, de journalistes, d’écrivains et d’anciens ministres ont signé collectivement un texte collectif dans lequel ils dénoncent l’instrumentalisation de la justice par Macky Sall. Dans le texte signé par des personnalités africaines européennes américaines et senegalaises comme Fatou Sow, Boubacar Barry, Boris Diop, Mamadou Diouf, les intellectuels appellent le chef de l’État sénégalais à prendre des mesures immédiates pour ramener le calme, assurer la paix sociale et s’éloigner de toutes les remises en cause de l’indépendance du pouvoir judiciaire ».

Dans son rapport 2022 sur les droits humains rendu public lundi 20 mars, le département d’État américain peint un tableau sombre du respect des droits des personnes au Sénégal. Il note des entraves aux libertés individuelles, des morts lors des manifestations, des arrestations politiques ou détentions arbitraires, des manquements liés à la justice. Selon le document, la corruption continue de prendre par ailleurs de l’ampleur à cause de l’impunité.

La situation politique au Sénégal a aussi fait l’objet de débat en France. En effet, Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères a été saisie d’une correspondance par deux députés notamment le président du groupe de la gauche démocrate et républicaine et le vice-président de la commission des affaires étrangères pour attirer son attention sur la menace d’un troisième mandat du Président Macky Sall et ses conséquences, les tentatives d’intimidation, les menaces et les actions judiciaires contre des opposants du régime .

Sur le plan Géopolitique un diplomate sous le sceau de l’anonymat  câblé par la rédaction du site d’information lindependant.sn indique que les partenaires techniques et financiers, les pays de l’union européenne et les états unis restent préoccupés par la tension vive politique et les développements a 10 mois de l’élection présidentielle 2024 dans un pays jadis considéré auparavant comme une vitrine et un modèle de démocratie en Afrique.

Montée des tensions politiques, imbroglio autour du troisième mandat 

Cette montée des tensions est la résultante d’un climat politique marqué de fortes restrictions autour des libertés publiques. L’opposition et des membres de la société civile continuent de dénoncer les dérives autoritaires du président Macky Sall marquées par des détentions de militants de l’opposition. Des interdictions de rassemblements et des coupures de signal de télévision privé (Walfadjri et Sen Tv) alimentent aussi ce sentiment de violation permanente des libertés publiques. Par ailleurs, l’incertitude autour du troisième mandat l’actuel président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012 participe au renforcement de ce climat de défiance envers les autorités sénégalaises. Macky Sall n’a pas dévoilé ses intentions concernant sa volonté de briguer ou non une troisième candidature. Néanmoins, l’opposition et une certaine partie de la société civile regroupée au sein de la Plateforme « Diam Guen Troisième mandat » (La paix vaut mieux qu’un troisième mandat en français) entendent renforcer leur mobilisation et autres rassemblements afin de le contraindre à se conformer à la Constitution qui limite les mandats à deux. En outre, près de deux ans après la répression brutale des manifestations qui ont tourné à la violence dans certains endroits en mars 2021, aucune enquête n’a été menée sur la mort de 14 personnes – dont trois enfants – au cours des manifestations. Parmi les personnes décédées, 12 ont été tuées par des tirs des forces de sécurité. En février 2023, deux manifestants ont également été gravement blessés par les forces de sécurité lors de manifestations à Bignona. Ce climat de tensions, favorisé non seulement par le contexte préélectoral, mais également par la crise économique qui touche le pays, est susceptible de déboucher sur des émeutes qui pourraient viser les enseignes et entreprises françaises présentes au Sénégal. La résurgence d’un discours anti-français qui avait alimenté les émeutes de mars 2021 pourrait ainsi à nouveau émerger à travers cette vague de contestation contre le régime de Macky Sall, alors que ce dernier est souvent accusé d’être trop lié aux intérêts français au détriment des intérêts et entreprises nationaux.

Mamadou NGOM

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