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LINDEPENDANT.SN-PROBLÉMATIQUE DE LA TROISIÈME CANDIDATURE DU PRÉSIDENT MACKY SALL : SENS ET PORTÉE DE L’AVIS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL SUR LA DURÉE ET LE NOMBRE DE MANDATS RÉPONSE DE LA COMMISSION DES AFFAIRES JURIDIQUES DU F24

INTRODUCTION

Saisi par le Président de la République suivant la lettre n° 0077 PR/CAB/MC.JUR du 14 janvier 2016, le Conseil constitutionnel, en sa séance du 12 février 2016, a rendu un avis sur le projet de réforme constitutionnelle, aux fins d’examiner la conformité du projet de révision de la Constitution « à l’esprit général de la Constitution du 22 janvier 2001 et aux principes généraux du droit ». Sur les quinze points du projet de réforme constitutionnelle soumis au peuple sénégalais par la voie référendaire en 2016, un sujet majeur y figure : il s’agit de la restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel.

Jamais, le Président Macky SALL n’a saisi le Conseil Constitutionnel pour donner un avis sur le nombre de mandats ou de candidatures ; mais exclusivement, s’il peut ou non réduire son mandat en cours qui est de sept ans à cinq ans. Par conséquent, l’Organe suprême de la justice s’est limité uniquement sur l’objet de sa saisine à savoir le passage du septennat au quinquennat. L’interprétation de l’avis transformée en décision de 2016 sur le premier mandat du Président Macky SALL par le camp présidentiel y compris par le Président Macky SALL lui-même, relève de la manipulation de l’opinion.

Affirmer que le Conseil constitutionnel autorise ou donne carte blanche au Président Macky SALL à candidater pour l’élection présidentielle de 2024 à travers son avis rendu en 2016 revient tout simplement à faire dire à l’institution judiciaire ce qu’elle n’a pas dit. Car, le nombre de renouvellements consécutifs du mandat n’était pas en cause dans la saisine du Conseil ; mais plutôt, la possibilité d’appliquer les 5 ans au premier mandat du Président Macky SALL.

Une telle affirmation soutenue sous-entend que le Conseil Constitutionnel a violé la norme fondamentale ; alors qu’il a été saisi pour vérifier la conformité du projet de révision à l’esprit de la Constitution de 2001 qui consacre en son article 27 que « le mandat n’est renouvelable qu’une seule fois ». Toute interprétation allant dans le sens d’assimiler le nombre de mandats (02) et la durée du mandat (5 ans) relève d’une véritable supercherie juridique et crée une insécurité juridique aux conséquences multiples.

Pour déterminer le sens et la portée de l’avis du Conseil Constitutionnel sur la durée et le nombre de mandats, il s’avère très important de rappeler qu’il n’existe pas une nouvelle Constitution suite au référendum de 2016 et que celle de 2001 est toujours en cours de validité (I) ;

l’objet de la saisine du Conseil Constitutionnel par le Président Macky SALL (II) ;

le caractère intangible du nombre de deux mandats constitutionnalisés et ce caractère est rappelé dans l’avis du Conseil constitutionnel (III).

Ce qui découle comme conséquence logique et immédiate de l’avis du Conseil constitutionnel, c’est l’impossibilité de réduire la durée du mandat de sept à cinq ans ; l’impossibilité d’augmenter le nombre de mandats (IV).

2 VALIDITÉ DE LA CONSTITUTION DE 2001 ET INEXISTENCE D’UNE NOUVELLE CONSTITUTION EN 2016

Une nouvelle Constitution n’est pas élaborée en 2016 : il s’agit d’une simple révision constitutionnelle qui maintient en vigueur la Constitution de 2001. À cet effet, l’on parle ici de pouvoir constituant dérivé et non de pouvoir constituant originaire, considérant qu’il n’existe pas une nouvelle Constitution élaborée par le Président Macky SALL, mais de la révision de la Constitution de 2001 et qui a porté sur quinze points à travers la voie référendaire.

La révision d’une Constitution ou d’une loi ordinaire n’entraine pas la caducité, l’abrogation ou la disparition du texte original. D’ailleurs, la validité de la Constitution de 2001 et l’inexistence d’une nouvelle Constitution apparait sans ambages lorsque le Président Macky SALL à travers sa lettre pour saisir l’Organe judiciaire lui demande expressément d’examiner la conformité de son projet de révision de la Constitution « à l’esprit général de la Constitution du 22 janvier 2001 et aux principes généraux du droit ».

Parmi les quinze sujets soumis à l’avis du Conseil Constitutionnel, figurent en sixième et en quinzième position respectivement, la restauration du quinquennat pour le mandat présidentiel qui se présente comme rupture au regard de la Constitution de 2001 qui en son article 27 prévoit que la durée du mandat du Président de la République est de sept ans ; et l’intangibilité des dispositions relatives au mode d’élection, à la durée et au nombre de mandats consécutifs du Président de la République ; qui à son tour est une reprise, une réaffirmation de l’ article 103 de la Constitution de 2001.

La Constitution de 2001 qui, en son article 27 qui prévoit que « Le mandat est renouvelable une seule fois ». D’ailleurs, cette disposition constitutionnelle de limitation du nombre de mandats à deux, avec indifférence de la durée du premier ou du second mandat est logiquement reprise et réaffirmée par la Constitution révisée en 2016 à travers l’article 27 qui stipule que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». Un avis du Conseil Constitutionnel ne peut modifier ou changer une norme constitutionnelle consacrée. Juridiquement, l’avis du Conseil Constitutionnel ou une décision n’est pas supérieur aux règles constitutionnelles ; il n’a pas de pouvoir constituant.

D’ailleurs, dans son avis rendu en 2016, sur sa compétence, le Conseil a commencé par rappeler qu’il a la latitude pour exercer un contrôle minimum sur le projet de révision constitutionnelle qui lui est soumis.

3 L’OBJET DE LA SAISINE ET DE L’AVIS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL : RÉDUCTION DE LA DURÉE DU MANDAT PRÉSIDENT

Le Conseil constitutionnel avait été saisi par le Président Macky SALL sur d’autres sujets autres que sur le nombre de mandats. L’avis du Conseil constitutionnel est sans rapport avec le nombre de mandats limité à deux par la Constitution de 2001 et réaffirmé après sa révision en 2016. En plus des autres points du projet de révision soumis à l’avis du Conseil constitutionnel telle la modernisation du rôle des partis politiques ; la participation des candidats indépendants à tous les types d’élections ; en matière de mandat du Président de la République, l’objet de la saisine pour recueillir l’avis du conseil sur la légalité de réduire le mandat en cours de sept ans à cinq ans.

Il faut rappeler que le Président Macky SALL est élu au pouvoir sur la base de la Constitution de 2001 qui prévoit que « La durée du mandat du Président de la République est de sept ans. Art.27 ». Saisi par le Conseil constitutionnel pour ramener son mandat de sept ans à cinq ans, le président Macky SALL avait promis que cette réduction s’appliquerait à son magistère ; mais le Conseil constitutionnel a donné un avis contraire.

Le Conseil constitutionnel considère qu’une telle proposition « est incompatible avec le caractère permanent attaché à l’article 27 que le pouvoir constituant entend rendre intangible en le rangeant dans la catégorie des dispositions non susceptibles de révision. » L’avis du Conseil constitutionnel prévoit que seul son deuxième mandat sera un quinquennat et non le premier qui est cours. Le Conseil Constitutionnel n’a pas été saisi sur le nombre de mandats, mais plutôt sur la durée du mandat avec l’option de passage du septennat au quinquennat.

Ainsi, à la lecture de l’avis, le Conseil constitutionnel spécifie les questions qui lui sont posées. Sur le mandat, le Conseil constitutionnel commence par préciser: « De la durée du mandat ». Ici, il est clair que le nombre de mandats à deux qui était prévu dans la Constitution depuis 2001 n’est pas en cause. Le Conseil constitutionnel ne s’est jamais prononcé sur le nombre de mandats dans son avis rendu en 2016. Il ne s’est pas prononcé sur un sujet, un objet pour lequel il n’a nullement été saisi.

4 LE CARACTÈRE INTANGIBLE DE LA LIMITATION DES MANDATS À DEUX

La limitation du nombre de mandats du Président de la République à deux a acquis une valeur constitutionnelle et un caractère intangible que le Conseil constitutionnel ne peut modifier soit par un avis soit par une décision. L’avis du Conseil constitutionnel ne saurait être en violation avec l’esprit et la lettre de la Constitution de 2001, d’autant plus qu’il avait été saisi par le Président Macky SALL pour vérifier la conformité de son projet de révision avec la loi fondamentale de 2001.

La valeur constitutionnelle et le caractère intangible trouvent leur base juridique d’abord au niveau de l’article 27 de la Constitution de 2001 en son article qui prévoit que « Le mandat est renouvelable une seule fois ». Révisée en 2016, la limitation des mandats à deux est réaffirmée et corsée par l’article 27 qui dispose que « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ».

Le caractère intangible de la limitation des mandats du Président de la République est consacré par l’article 103 de la Constitution 2001 : La forme républicaine de l’État, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision. Il est confirmé dans sa version révisée en 2016.

D’ailleurs, c’est pourquoi dans son avis de 2016, le Conseil constitutionnel considère qu’une telle proposition de réduction de la durée du mandat « est incompatible avec le caractère permanent attaché à l’article 27 que le pouvoir constituant entend rendre intangible en le rangeant dans la catégorie des dispositions non susceptibles de révision. » Selon le Conseil constitutionnel, « Considérant qu’en tant que telle, elle est incompatible avec le caractère permanent attaché à l’article 27 que le pouvoir constituant entend rendre intangible en le rangeant dans la catégorie des dispositions non susceptibles de révision ».Cela est également valable pour l’augmentation ou la réduction du nombre de mandats.

5 CONSÉQUENCE DE L’AVIS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL : IMPOSSIBILITÉ DE RÉDUIRE LA DURÉE DU MANDAT, IMPOSSIBILITÉ D’AUGMENTER LE NOMBRE DE MANDATS

Dans son avis, le Conseil constitutionnel rappelle un point majeur de la démocratie, de l’État de droit à travers trois Considérants fondamentaux justifiant un avis non favorable à la réduction de la durée du premier mandat. Ces Considérants sont aussi valables pour la réduction de la durée de mandat que pour l’augmentation du nombre de mandats qui tenteraient le Président Macky SALL et ses alliés et partisans à travers une interprétation relevant de la manipulation et de la supercherie :

« Considérant, en effet, que ni la sécurité juridique, ni la stabilité des institutions ne seraient garanties si, à l’occasion de changements de majorité, à la faveur du jeu politique ou au gré des circonstances notamment, la durée des mandats politiques en cours, régulièrement fixée au moment où ceux-ci ont été conférés pouvait, quel que sort au demeurant l’objectif recherché, être réduite ou prolongée ;

Considérant que la sécurité juridique et la stabilité des institutions, inséparables de l’État de droit dont le respect et la consolidation sont proclamés dans le préambule de la Constitution du 22 janvier 2001, constituent des objectifs à valeur constitutionnelle que toute révision doit prendre en considération, pour être conforme à l’esprit de la Constitution ;

Considérant, en effet, que les règles constitutionnelles adoptées dans les formes requises s’imposent à tous et, particulièrement, aux pouvoirs publics, lesquels ne peuvent en paralyser l’application par des dispositions qui, en raison de leur caractère individuel, méconnaissent, par cela seul, la Constitution ».

En conclusion, l’avis du Conseil constitutionnel de 2016 n’était pas favorable pour réduire le premier mandat de sept à cinq ans et ne saurait être favorable pour augmenter le nombre de mandats de Macky SALL, passant ainsi de deux à trois mandats même s’il en était expressément saisi pour vérifier la conformité d’une telle proposition avec l’esprit et la Constitution de 2016.

L’avis du Conseil constitutionnel n’a pas de valeur supérieure aux normes constitutionnelles et n’a aucun effet rétroactif pour modifier et violer l’ordre constitutionnel établi et adopté souverainement par le peuple sénégalais. Le nombre de mandats est limité à deux et nul ne peut faire plus de mandats consécutifs !

COMMISSION DES AFFAIRES JURIDIQUES DU F24

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