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LINDEPENDANT.SN-Selon un rapport publié ce jeudi par l’ONG espagnole Caminando Fronteras, plus de 10 400 migrants sont morts ou ont disparu en mer en tentant de rejoindre l’Espagne en 2024. Ce chiffre équivaut à 30 personnes décédées par jour en moyenne, entre janvier et le 15 décembre de cette année.
L’année 2024 est marquée par un nombre record de migrants ayant perdu la vie en tentant de rejoindre l’Espagne par la mer. En effet, le rapport « Droit à la vie 2024 » de l’ONG de défense des droits des migrants, Camino Fronteras, fait état de la période la plus meurtrière jamais enregistrée, avec des chiffres dévastateurs de 30 morts par jour en moyenne. Parmi les victimes figurent 421 femmes et 1 538 enfants et adolescents. « La route de l’Atlantique, avec 9 757 morts, reste la plus meurtrière au monde. Les tragédies ont particulièrement augmenté sur la route mauritanienne, consolidant ce pays comme le principal point de départ vers les îles Canaries. La route algérienne, en mer Méditerranée, est la deuxième plus meurtrière selon nos registres, avec 517 victimes. Le détroit de Gibraltar a coûté la vie à 110 personnes et 73 autres ont perdu la vie sur la route d’Alboran. En outre, 131 bateaux ont été perdus avec toutes les personnes à bord », indique le rapport.
Le document précise que l’omission du devoir de sauvetage et l’externalisation des frontières et du sauvetage sont parmi les principales causes de l’augmentation du nombre de décès aux frontières de l’État espagnol.
Outre ces chiffres, le rapport « Droit à la Vie 2024 » dénonce les principales causes de cette augmentation des naufrages et des victimes. « Parmi les causes principales, nous soulignons l’omission du devoir d’assistance, la priorisation du contrôle migratoire sur le droit à la vie, l’externalisation des frontières dans des pays sans ressources adéquates, l’inaction et l’arbitraire dans les sauvetages, la criminalisation des organisations sociales et des familles, ainsi que les situations d’extrême vulnérabilité qui poussent les migrants à se jeter à la mer dans des conditions très précaires », note le document.
Les femmes confrontées à la violence structurelle à la frontière
Le rapport analyse également la situation des femmes lors des traversées migratoires, qui se font principalement dans des embarcations pneumatiques entre Agadir et Dakhla. Le rapport renseigne qu’en transit, ces femmes subissent des violences, des discriminations, du racisme, des expulsions et des violences sexuelles, et sont contraintes de survivre dans des conditions extrêmes qui les poussent à la mendicité, à la prostitution et à des emplois précaires, tout en risquant d’être recrutées par des réseaux de trafiquants d’êtres humains.
« Un nombre croissant de femmes migrantes se déplacent en pirogue depuis le Sénégal, la Gambie et la Mauritanie pour échapper aux conflits et à l’impact du changement climatique dans les régions appauvries. On observe également une présence croissante de femmes sur la route des Baléares en provenance d’Afrique centrale et occidentale, traversant la Libye et la Tunisie et subissant des violences, de l’esclavage, des féminicides raciaux et des déplacements forcés vers l’Algérie », déplore le rapport.
Le manque de protection des enfants sur les routes migratoires
Le rapport de l’ONG espagnole fait également état d’une augmentation du nombre d’enfants et d’adolescents sur les principales routes migratoires vers l’Espagne, qui continuent de souffrir d’un manque de protection et de garanties de la part des autorités. « Ces mineurs sont traités comme des migrants plutôt que comme des enfants, et sont donc exposés au marketing politique et sont la cible de discours de haine, ce qui les expose à des situations dans lesquelles leurs droits sont violés », souligne le document qui indique que la situation est particulièrement critique aux îles Canaries, « où des enfants non identifiés comme tels vivent avec des adultes dans des centres d’accueil, une réalité qui les expose à de graves dangers ». « Il reste difficile pour les familles de dénoncer et de rechercher leurs enfants disparus le long des routes migratoires », ajoute le document.
Un autre aspect mis en évidence dans le rapport « Droit à la vie 2024 » est la réalité des familles qui recherchent leurs proches disparus à la frontière occidentale euro-africaine. « Malgré quelques progrès dans la réception des plaintes et des exemples de bonnes pratiques, les obstacles à l’exercice de leurs droits restent nombreux, et les difficultés à prélever des échantillons d’ADN ou à déposer des plaintes sont particulièrement choquantes. Ces familles sont ainsi re-victimisées par un système qui les stigmatise et considère leurs proches comme des victimes de seconde zone. En l’absence de garanties pour l’exercice de leurs droits, les familles courent le risque de tomber entre les mains de bandes d’extorqueurs », précise le rapport. Face à ces situations difficiles, les familles s’organisent en réseaux communautaires et se tournent vers la famille élargie pour surmonter les obstacles qui les empêchent de retrouver leurs proches. « Chaque année, les familles à la recherche de leurs proches sont confrontées à un système de mort systématique aux frontières qui fait des milliers de victimes comme celles décrites dans ce rapport », rapporte le rapport de l’ONG Caminando Fronteras.
Mariama Kobar Saleh