L’ancien Garde des Sceaux s’est exprimé sur la suppression du Conseil
Economique Social et Environnemental (CESE) et du Haut Conseil des
Collectivités Territoriales (HCCT).
A l’en croire, lorsque des institutions sont créées et adoptées aux travers d’un processus clivant, d’une incompréhension de leur utilité par l’opinion, il y a des risques qu’elles ne résistent pas au temps
et aux alternances parce qu’elles résultent, selon lui, d’un consensus bas. Il estime que c’est le cas du Sénat, du CESE et du HCCT. Pr Ismaïla Madior Fall considère qu’une démocratie ne peut pas se passer d’une institution consultative de rang constitutionnel. Il convient d’envisager, dans la perspective de réforme ultérieure, de mettre en place, selon lui, une institution du genre qui serait la synthèse du Sénat, du Conseil économique, social et environnemental et du Haut Conseil des collectivités territoriales. La création éventuelle de cette indispensable institution consultative de la République devrait se faire, recommande-t-il, sous les auspices du consensus élevé, à défaut de quoi elle risque de connaître le sort de ses devancières « C’est acté : deux institutions majeures (CESE et HCCT) viennent d’être dissoutes. Pourtant, il ne viendrait à l’esprit de personne de supprimer les institutions que sont le Président de la République ou l’Assemblée nationale ».
C’est du moins l’avis de l’ancien ministre de la Justice. « La doyenne des institutions, l’Assemblée nationale, depuis qu’elle est passée d’Assemblée territoriale à Assemblée nationale, relève le défi de l’immortalité institutionnelle malgré les critiques relatives à son organisation et son fonctionnement. Quant au Président de la République, avec un statut modeste à l’Indépendance, il est devenu, depuis 1963, la clef de voûte des institutions.
Aucune autre institution de la République (Gouvernement, Premier ministre ou
Cour suprême) ne peut se prévaloir de cette permanence existentielle »,
souligne-t-il. « Le Président et l’Assemblée, outre leur légitimité tirée de leur statut d’institution fondatrice, doivent, aussi, leur permanence institutionnelle à une donnée matricielle de toute construction républicaine qui se veut durable : le consensus élevé autour d’une institution. Lorsque des institutions sont créées et adoptées aux travers d’un processus clivant, d’une incompréhension de leur utilité par l’opinion, il y a des risques qu’elles ne résistent pas au temps et aux alternances parce qu’elles résultent d’un consensus bas. C’est le cas du Sénat, du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et du Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT) », estime Pr Ismaïla Madior Fall.
« La plupart des grandes démocraties disposent d’un Sénat (chambre de la raison et de la sagesse aux côtés de l’Assemblée, chambre de la passion) qui joue un rôle fondamental dans la procédure législative et le contrôle de l’action gouvernementale et d’un Conseil économique et social ; institution existant
même aux Nations unies. Instauré au Sénégal en 1998, supprimé en 2005, restauré en 2007 avant d’être supprimé en 2012, le Sénat n’est jamais entré dans les cœurs. Idem pour le CESE. Adopté dès le début de l’indépendance et d’une continuité remarquable, il ne sera supprimé qu’en 2001, avant d’être restauré sous forme de Conseil de la République pour les affaires économiques et sociales (CRAES) en 2003 et reviendra sous forme de CES en 2008, puis de CESE en 2012. Cadre institutionnel de dialogue des territoires, le HCCT, instauré en 2016, n’aura duré que 8 ans », se désole-t-il. Au XXIème siècle, une démocratie ne pouvant pas se passer d’une institution consultative de rang constitutionnel, il convient d’envisager, dans la perspective de réforme ultérieure, de mettre en place, selon l’ancien ministre
de la Justice, une institution du genre qui serait la synthèse du Sénat, du Conseil économique, social et environnemental et du Haut Conseil des collectivités territoriales. « Dans l’Etat de droit, le dialogue consultatif permet de maintenir une forme de démocratie délibérative transpartisane. Au demeurant, la création éventuelle de cette indispensable institution consultative de la République devrait se faire sous les auspices du consensus élevé, à défaut de quoi elle risque de connaître le sort de ses devancières »,
met-il en garde.
Ndèye Fatou Gning