LINDEPENDANT.SN-La BCEAO a récemment publié ses statistiques sur la balance des paiements. Cette dernière était excédentaire, selon l’institution financière, au titre de l’année 2023. Le gouvernement a ainsi largement communiqué sur le sujet. L’économiste Papa Malick Ndour de saisir la balle au rebond pour s’interroger sur le pourquoi le pouvoir en place n’a pas contesté les données partagées par la BCEAO. Ce, si l’on sait que le Premier ministre, Ousmane Sonko, a publiquement accusé le régime précédent de falsification des chiffres de la dette. Aussi, a-t-il posé un certain nombre de questions aussi bien aux nouvelles autorités qu’à la BCEAO sur la validation des chiffres de la dette du Sénégal présentés par le pouvoir sortant.
« Félicitations pour l’effort de communiquer sur des résultats de l’année 2023, performance du régime précédent », a déclaré l’ancien ministre de la Jeunesse qui estime que, par souci de transparence, surtout dans un contexte marqué par l’attente de la certification des comptes de l’État et des accusations de manipulation des chiffres, le gouvernement aurait dû informer le public sur quatre points essentiels. Le premier concerne la balance des paiements. A travers son compte financier, elle retrace l’ensemble des flux financiers entrants et sortants du pays. A en croire Papa Malick Ndour, cela inclut non seulement les emprunts et les remboursements de la dette publique extérieure, mais aussi les transactions de dette réalisées par d’autres agents économiques vis-à-vis du reste du monde.
Le deuxième point concerne les statistiques de la balance des paiements. Selon M. Ndour, elles ne sont pas fournies par les États eux-mêmes, mais sont exclusivement établies par la BCEAO, en conformité avec l’article 44 de ses statuts. « Cet article stipule que : « La Banque Centrale assure l’établissement de la balance des paiements des États membres de l’UMOA, dans les conditions définies par la réglementation de leurs relations financières extérieures ». Il est donc impératif de souligner que la responsabilité de produire ces statistiques incombe exclusivement à la BCEAO. Cette mission est confirmée par l’article 1 de l’annexe 3 du Règlement R09/98/CM/UEMOA du 20 décembre 1998 relatif aux relations financières extérieures des États membres de l’UEMOA », renseigne-t-il.
Le troisième point fait référence à la direction nationale de la BCEAO. Dans le cadre de l’élaboration de la balance de paiement, elle a la responsabilité de compiler et de traiter les données relatives à la dette extérieure. « En outre, la BCEAO s’assure de la cohérence des données de la dette extérieure en les confrontant avec d’autres séries statistiques, y compris celles contenues dans les comptes de dépôts des États auprès de ses livres et ou des banques centrales étrangères. Ainsi, la BCEAO détient tous les leviers nécessaires pour garantir la fiabilité des informations présentées par ses filiales nationales », indique Papa Malick Ndour.
Pour le quatrième point, l’ancien ministre soutient qu’en se basant sur le document méthodologique relatif à l’élaboration de la balance des paiements, Aminou Lo, Directeur national de la BCEAO, joue un grand rôle dans la collecte, la validation et la fourniture des statistiques, notamment celles concernant la dette extérieure. Dans ce contexte, il est légitime, selon lui, de se poser un certain nombre de questions importantes. « Pourquoi l’État du Sénégal n’a-t-il pas contesté les statistiques de la balance des paiements publiées par la BCEAO, notamment lorsqu’il nous fait croire qu’une partie de la dette extérieure a été omise ou dissimulée ? », s’est-il interrogé.
« Pourquoi la BCEAO, en s’assurant de la cohérence entre les statistiques de la dette publique fournies par sa direction nationale et celles provenant de ses autres sources de données, n’a-t-elle pas repéré des incongruités ? L’institution a-t-elle été complice ou simplement incompétente dans son rôle de vérification des données financières relatives à la dette ? Le secrétaire général du gouvernement, ancien cadre de la BCEAO, peut-il réellement affirmer que la balance des paiements est valide, même si des erreurs manifestes ont été faites concernant la dette extérieure ? Est-il crédible de prétendre que les chiffres relatifs à la dette peuvent être erronés sans que cela n’impacte la validité globale de la balance des paiements ? La validation de cette balance des paiements ne revient-elle pas essentiellement à valider les chiffres sur l’encours de la dette déjà fournis par l’État du Sénégal aux institutions communautaires dans le cadre de la surveillance multilatérale, sans même prendre en compte les erreurs et omissions de l’ancien régime ? Ne valide-t-on pas ici une information déjà compromise, sans véritable remise en question des chiffres de la dette publique ? », s’interroge encore l’économiste.
A ceux qui voudront lui apporter la contradiction, M. Ndour leur recommande de télécharger sur le site de la BCEAO les documents suivants : les statuts de la BCEAO, le règlement R09/98/CM/UEMOA et les éléments méthodologiques d’élaboration des balances de paiements au sein des pays membres de l’UEMOA.
Ndèye Fatou Gning